Luca Patuelli livre un message inspirant aux jeunes
« On a tous la capacité de réussir ce qu’on veut dans la vie. » Voilà l’essentiel du vibrant et inspirant message lancé aux quelque 430 élèves du Collège Clarétain de Victoriaville par le réputé danseur et chorégraphe Luca « Lazylegz » Patuelli dans une conférence intitulée « Pas d’excuses, pas de limites! »
Le danseur en situation de handicap a répondu à l’invitation de l’enseignante de danse Émilie Raymond qui souhaitait que ses élèves puissent vivre un moment d’ouverture à la différence et de réflexion. Mme Raymond a profité de la première représentation pour rendre hommage à Alexandra Grégoire qui, malgré une maladie musculaire dégénérative diagnostiquée il y a quelques années, a continué la danse et l’enseignement.
Démonstrations et vidéos ont notamment ponctué la conférence interactive de Luca Patuelli, cet homme de 37 ans, natif de Montréal, qui a vécu principalement à Washington DC, aux États-Unis. « Je partage mon histoire, mais surtout ma passion, a-t-il dit, d’entrée de jeu. Dans les moments difficiles de ma vie, « pas d’excuses, pas de limites » est le message qui m’a beaucoup aidé. Ce que ça signifie pour moi, c’est qu’on a tous la capacité de réussir ce qu’on veut dans la vie. »
Sauf que l’humain, a-t-il noté, se crée lui-même des barrières en se croyant incapable de faire quelque chose sans l’essayer. « C’est à ce moment qu’on crée une limitation, une barrière. Mais si on prend le temps d’essayer, de s’adapter, mais surtout, si on prend le temps d’apprendre à faire une chose à notre façon, on réalisera alors qu’il n’y a pas de limites avec ce qu’on peut accomplir », a-t-il fait valoir.
Il le démontre admirablement bien d’ailleurs, sa condition l’ayant contraint à développer son propre style de danse.
Sa petite histoire
Luca Patuelli vit avec l’arthrogrypose, une maladie dégénérative congénitale très rare. « Chaque personne atteinte peut-être affectée n’importe où dans le corps. Pour moi, c’est surtout les épaules, les pieds et les jambes la plupart du temps. Ce qui signifie que j’ai très peu de muscles dans mes jambes », a-t-il expliqué.
Entre l’âge de 7 mois et 17 ans, il a subi 16 chirurgies. Luca l’a reconnu. L’incapacité d’effectuer certains mouvements et certains trucs a parfois suscité frustration et découragement. Comme faire ce qu’il appelle un « hands stand », se tenir en équilibre sur les mains. Cela ne l’a toutefois pas freiné. « Je me suis demandé ce qui se passerait si je modifiais, si j’adaptais ma façon de faire un « hands stand » en pliant mes bras et en bougeant ma tête.
Je suis fier de vous dire que j’ai appris à en faire un à ma façon », a-t-il dit au jeune auditoire avant d’en faire la démonstration.
Rien n’a arrêté le jeune Luca qui, voyant ses amis s’adonner à différentes activités, trouvait toujours une façon d’y participer avec eux. « Peu importe le sport qu’ils pratiquaient, soccer, football, baseball, hockey, je jouais avec eux, mais sur mes genoux. Au hockey et au soccer, j’agissais comme gardien de but. Au baseball, j’étais le lanceur et au football, le quart-arrière », a-t-il souligné.
Avec des béquilles spéciales, Luca a pu skier. Il a pratiqué également le plongeon et la natation. « En natation, j’utilisais toujours le haut de mon corps, car je n’ai jamais eu de force dans les jambes. Chaque fois, quand je faisais des courses, j’arrivais toujours le dernier, ce qui commençait à me décourager. À quoi bon faire des courses contre les autres si je termine toujours en dernière position? Mais j’ai réalisé assez vite que les courses, ce n’est pas contre les autres personnes, mais contre moi-même », a-t-il exprimé, ajoutant qu’en un an, il a réussi à retrancher 5 secondes dans son 50 mètres de crawl.
Luca a toujours trouvé des façons prendre part aux activités avec ses amis. Il a aussi fait du surf, du parachutisme avant de découvrir le skateboard, une discipline qu’il pratiquait la discipline sur ses genoux. Il voulait devenir un professionnel de la discipline. Cependant, il voit son rêve se briser à l’âge de 15 ans. À la suite d’une chirurgie, il constate qu’il ne pouvait plus continuer le skateboard, son activité préférée, sa grande passion. « J’avais 15 ans, je me suis senti complètement perdu », a-t-il confié.
Or, ses amis l’ont supporté, lui ont fait voir que s’il devait mettre de côté le skateboard, rien ne l’empêchait de s’adonner au break. « Je n’avais aucune idée de quoi il s’agissait, a-t-il reconnu. C’est du break dance qui fait partie de la culture hip-hop. Un ami m’a fait savoir que la beauté du break, c’est que tu crées ton style, unique à toi. Je pense que tu serais vraiment bon dans cela. »
L’ami en question a profité d’un cours de mathématiques pour lui montrer un mouvement. « Il s’est exécuté en s’élançant au sol. J’ai pensé, c’est le move le plus cool de ma vie, a exprimé Luca. Dès cet instant, j’ai voulu apprendre à faire du break dance. »
Luca ensuite s’est retrouvé invité à une compétition de danse, ce qu’on appelle une battle dans le milieu hip-hop. « C’était dans une boîte de nuit de Washington DC, a-t-il raconté. En entrant, j’ai vu un grand cercle appelé un « cypher » où les danseurs dansent un à la fois et s’expriment. Quelque chose m’y a attiré. Je n’avais jamais dansé dans ma vie. Avoir des béquilles m’a donné un avantage, celui d’avoir des bras un peu plus forts que les autres. À cause de ça, je peux exécuter un mouvement, qui n’en est pas un nécessairement de danse, mais je voulais le démontrer pensant impressionner le public. »
Mais voilà qu’il devait, pour ce faire, retirer les orthèses très peu flexibles qu’il utilise pour garder ses jambes droites et tenir debout pour une longue période de temps. À 15 ans, ses jambes étaient beaucoup plus faibles qu’aujourd’hui, de sorte qu’en enlevant les orthèses, il ne pouvait plus marcher pour se rendre dans le « cypher ». « La seule façon, c’est d’y aller à quatre pattes. Imaginez-vous à 15 ans, marcher à quatre pattes! Environ 200 personnes me regardent, je deviens nerveux, anxieux? Quelqu’un a lancé : mais que fait ce chien au milieu du cercle? Je me suis senti intimidé », a-t-il relaté, ajoutant qu’il n’avait alors qu’une seule envie, retourner chez lui. « Mais mon père m’a toujours enseigné que le premier échec est de ne pas avoir essayé, a-t-il dit. J’ai donc décidé au moins de montrer mon mouvement aux gens qui m’ont applaudi. Immédiatement, je me suis senti accepté. »
À l’école, Luca et ses amis ont mis sur pied un club de break dance. « On pratiquait tous les jours. Mais je me décourageais en voyant tous les mouvements que faisaient mes amis en utilisant leurs jambes, ce que je ne pouvais faire », a-t-il observé.
Mais il s’est rappelé la phrase que son ami lui avait soufflée un jour : crée ton propre style. Ce qu’il a fait. « J’ai commencé à développer un style de danse en utilisant la force de mes bras. Avec le temps, j’ai utilisé mes béquilles pour créer un style en les utilisant comme une extension de mes bras », a-t-il expliqué.
À force de persévérance, Luca a perfectionné son art qui le rend fier maintenant.
Fier de pouvoir, depuis 20 ans, gagner sa vie comme danseur professionnel. « J’ai voyagé dans 35 pays, j’ai compétitionné contre et avec certains des meilleurs danseurs au monde. Dans mes expériences, j’ai appris que la danse c’est vraiment un outil pour le changement. Elle n’a pas de limite, peu importe la race, l’âge, le genre, la langue, tout le monde peut danser. Si nos cœurs battent, on crée un rythme avec nos corps », a-t-il fait savoir.
Luca a fait part aux élèves du groupe « Ill abilities » qu’il a fondé et qu’on peut traduire, selon lui, par habiletés incroyables puisque malade signifie incroyable dans le milieu du hip-hop. Il s’agit d’une équipe de sept danseurs, tous de renommée internationale, et provenant de six pays différents, Chili, Hollande, Brésil (2), États-Unis (Californie), Corée du Sud et Canada.
Chacun a un handicap différent (malformation, amputation, surdité). « On se réunit lorsqu’on a l’occasion de livrer des performances, ou pour enseigner ou faire quelque chose ensemble. Nous avons tous des chorégraphies assez uniques, car chacun de nos corps est différent. On trouve des façons d’utiliser nos forces pour créer des statuts et des équilibres ensemble », a-t-il énoncé.
Luca a présenté une vidéo pour montrer comment les danseurs ont transformé leur vie pour vivre leur passion. « Comme une équipe, on passe beaucoup de temps à faire de la sensibilisation sur la danse, l’inclusion et les handicaps », a-t-il mentionné, notant au passage que la pandémie a freiné leurs activités pendant un long moment.
Depuis la fin février, Luca a repris graduellement les spectacles. Il envisage une tournée en octobre 2022, la première en trois ans.
Le conférencier a terminé en invitant les jeunes à s’écouter. « L’idée derrière « Pas d’excuses pas de limites », c’est qu’on veut que vous preniez le temps de découvrir la force dans votre différence. Chacun a quelque chose d’unique et de spécial en soi. Prenez le temps de découvrir qui vous êtes, vous allez voir que vous êtes tous incroyables! »