Une question de justice et de respect avant tout
La Cour d’appel du Québec, en date du 30 novembre 2020, a écarté la requête en rejet d’appel déposée par le promoteur Éoliennes de l’Érable.
Les requérants Yvon Bourque et Jean Rivard tenteront donc d’obtenir gain de cause dans leur action en dommages-intérêts contre Éoliennes de l’Érable après avoir été déboutés sur toute la ligne en au printemps dernier par la juge Marie-France Vincent.
Le litige, qui touche une centaine de familles, met en cause les impacts négatifs des éoliennes sur la qualité de vie des résidents dans ce milieu rural : épisodes continus de bruits et poussières durant la construction, atteinte sévère aux paysages, présence et bruits envahissants des éoliennes, dévaluation des propriétés et une crise sociale qui divise voisins, amis et familles.
La juge n’a pas cru que l’arrivée des éoliennes ait pu créer des «troubles de voisinage» anormaux et s’en est remise entièrement aux arguments du promoteur.
L’appel de la cause devrait être entendu en 2022, ce qui marquera le dixième anniversaire de cette action en recours collectif déposée en octobre 2012.
Le RDDA (Regroupement pour le développement durable des Appalaches), qui s’est opposé sans succès à l’implantation de ce projet éolien, voit dans cet appel une victoire importante pour les riverains.
«C’est une question de justice et de respect avant tout, oui il y a dédommagement prévu, mais jamais nous ne regagnerons notre qualité de vie. La division sociale a créé beaucoup de blessures qui prendront du temps à guérir, d’autres probablement jamais, c’est terrible», d’expliquer Yvon Bourque, un des requérants.
Pour le RDDA, cette décision de la Cour d’appel est également importante dans le contexte énergétique actuel. À l’aube d’une deuxième vague éolienne qui s’apprête à déferler sur le Québec, il importe que les promoteurs prennent acte de cette action en justice et qu’ils y réfléchissent à deux fois avant d’implanter leurs éoliennes en territoire habité, idem pour les élus tentés de succomber au discours trompeur d’intérêts privés au détriment du bien public.
Le RDDA croit aussi que le recours sonnera l’alarme pour ceux qui voudraient s’établir en milieu rural. Il serait sage de s’informer des intentions des municipalités d’accueil et de leur règlementation encadrant les éoliennes. Plusieurs villages au Québec ont en effet adopté des mesures rendant quasi impossible la construction d’éoliennes sur leur territoire, dont trois MRC (Haut-Richelieu, Haut Saint-François et Haut Saint-Laurent).
Le RDDA s’inquiète des prétentions d’Hydro-Québec qui prévoit manquer d’électricité dans les années à venir alors que les surplus ne cessent de s’accroître et se maintiennent à des niveaux historiques. La société d’État doit, année après année, pour écouler ces surplus, procéder au délestage de ses barrages; pour la seule année 2019, c’est l’équivalent de 700 millions $ qui s’est perdu dans la nature.
Hydro-Québec prévoyait aussi manquer d’électricité lors des premiers appels d’offres alors que la demande ne cessait de fléchir avec le résultat que l’on se retrouve aujourd’hui avec un parc éolien qui génère des pertes de 600 à 650 millions $ annuellement.
L’ex-DG d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, a été forcé par décret gouvernemental d’acheter de l’éolien. Un autre ex-DG d’Hydro-Québec, Éric Martel, a lui aussi remis en question le projet éolien d’Apuiat qui aurait généré des pertes de 200 millions $. Il en va tout autrement de la nouvelle DG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, pour qui l’éolien doit faire partie de l’avenir d’Hydro-Québec.
Le RDDA s’indigne d’une telle orientation vers une industrie, sous continuelle perfusion financière, qui non seulement traîne un lourd bilan économique et social, mais accuse également un déficit environnemental certain.
Le RDDA met en garde les décideurs sur les coûts de l’éolien alors que l’industrie prétend que les prochains appels d’offres pourraient se transiger au pair ou plus bas que l’hydro-électricité. Le RDDA met en doute la bonne foi de ces affirmations : l’intermittence de l’éolien et son intégration au réseau, le transport, l’indexation des contrats, l’ajout de nouvelles structures (lignes de transmission et sous-stations d’équilibrage ont coûté 2,7 milliards $ à Hydro-Québec pour les premiers appels d’offres), stockage et amortissement sont autant de paramètres dont il faut tenir compte, en tout ou en partie, dans le coût global.
De plus, l’ajout d’un pourcentage de plus en plus important d’une énergie non pilotable comme l’éolien fragilise le réseau et peut occasionner des coûts majeurs afin d’en assurer la fiabilité et la sécurité.
Malgré une première vague catastrophique, le RDDA doute que la société québécoise soit suffisamment immunisée contre une deuxième vague éolienne alors que les élus, mal outillés pour résister au puissant lobby éolien et pour contrer une industrie dont la survie dépend uniquement de l’agenda politique du moment, hésitent encore à trouver la réponse à une simple question : «En avons-nous besoin et à quels coûts ?»
Claude Charron, coordonnateur
Regroupement pour le développement durable des Appalaches (RDDA)