Une nouvelle étape dans la vie de l’abbé Pierre Janelle
Après 32 ans, l’abbé Pierre Janelle, qui cumule 43 ans de prêtrise, a dit au revoir à ses ouailles de la paroisse Sainte-Marguerite-Bourgeois, après avoir célébré, en fin de semaine, ses dernières messes à Kingsey Falls, Saint-Albert et Sainte-Clotilde-de-Horton. Entrevue avec cet homme de foi.
Rencontré quelques jours avant ses derniers moments avec ses paroissiens, l’abbé Janelle a avoué avoir «quelques papillons». «Ça fait 32 ans que je suis ici. C’est devenu ma famille. Des enfants que j’ai baptisés en 1988, j’en ai marié plusieurs, j’ai baptisé leurs enfants et enterré leurs parents et grands-parents. Je suis passé par toute une gamme de sentiments», exprime-t-il.
Sa vocation, il en a eu conscience assez tôt dans la vie. Issu d’une famille nombreuse de 14 enfants à Saint-Germain-de-Grantham, Pierre Janelle a ressenti dès son jeune âge le désir d’une vie religieuse. «J’avais 5 ou 6 ans», confie-t-il, tout en précisant que l’histoire de sa vocation, il la doit en quelque sorte à son grand-père maternel, le sacristain de la paroisse. «J’allais chez lui pendant les vacances estivales. Je fréquentais beaucoup l’église, car ça commençait tôt, à 6 h le matin pour sonner les cloches, sans compter l’angélus le midi et le soir à 18 h. J’avais donc beaucoup de contacts avec l’église», se remémore-t-il.
Mais un événement l’a particulièrement marqué à l’âge de 6 ans alors qu’un important incendie éclate et menace de ravager son village natal. «Il n’y avait plus d’eau. Des gens sont allés chercher le curé, dont on disait qu’il accomplissait des miracles. Avec l’ostensoir, l’abbé Roméo Savoie est passé entre la maison en flammes et la voisine. Et après en avoir fait le tour, il a dit aux pompiers : allez pomper, il y a de l’eau. Et ils ont éteint le feu. Ça m’avait beaucoup interpellé», se rappelle l’abbé Janelle.
Il se souvient aussi que ce curé était «un bon pasteur». «Il connaissait ses paroissiens. Il savait qui j’étais même sans me voir souvent puisque nous habitions en campagne. Je le trouvais tellement bon et agréable à rencontrer. C’était vraiment quelqu’un de bien», souligne-t-il, avouant avoir voulu l’imiter en quelque sorte et suivre ses traces.
Paroles de mère
Pierre Janelle a fréquenté le petit séminaire de Granby avant les études secondaires, moment où l’abbé André Messier, affecté aux œuvres des vocations au diocèse de Nicolet, lui demande s’il voulait vérifier s’il ressentait toujours cet appel au sacerdoce. Oui, tel était son désir.
Reste que des hésitations, Pierre Janelle en a vécu. À l’amie qu’il avait à l’époque, il lui fait savoir son intention de vérifier si l’appel à la vocation était toujours bien présent.
L’abbé Janelle séjournera durant trois ans au centre étudiant à Nicolet avant son entrée au grand séminaire. Et même à cette période, un questionnement survient, ce qui l’amène, un vendredi soir, à se confier à ses parents. «Je leur ai dit que ça me coûtait de devenir prêtre, que j’aimerais avoir une épouse et des enfants.»
À cela, sa mère, se rappelle-t-il, lui a fait comprendre que la prêtrise peut aussi lui procurer une famille. «N’oublie pas, m’a-t-elle dit, que si tu décides de devenir prêtre, tu verras que, là où tu vas te trouver, tu auras toute une famille. Tu vas avoir plein de monde à aimer, à aider et à servir. Et cela te fera autant de bien que si tu aidais ton enfant.»
Un propos qui fait réfléchir, note-t-il «Cela a confirmé un peu ma vocation à ce moment-là. Mais j’ai continué à réfléchir et à me laisser interpeller.»
Pierre Janelle, finalement, répondra à l’appel et deviendra prêtre en 1977. Son ordination, il l’a vécue en l’église Sainte-Victoire de Victoriaville. Ce choix, il ne l’a jamais regretté.
L’abbé Janelle dit espérer, toutefois, que l’Église en vienne à permettre le mariage des prêtres. «L’Église évolue, mais un peu trop lentement. Au début de l’Église, Pierre était marié. Mais à un moment, elle a fait un choix», note-t-il.
Ce qui complique la situation, observe le prêtre, c’est l’universalité de l’institution. «L’Église est universelle. Ça complique les choses. Encore aujourd’hui, dans certains pays, la femme ne vaut pas grand-chose. Les dirigeants doivent donc prendre des décisions réfléchies, mûries, parce qu’on ne peut avoir une façon de faire dans un pays et faire le contraire dans un autre. Cela ajoute à la difficulté de l’Église à s’ajuster vraiment», expose-t-il.
Longue durée
À la suite de son ordination, l’abbé Janelle a œuvré 11 ans à la paroisse Sainte-Victoire de Victoriaville jusqu’en 1988, moment où il s’installe à Kingsey Falls qu’il ne quittera plus.
Sa tâche grandira au fil des ans. S’ajoutent, en 1995, la paroisse de Sainte-Élizabeth-de-Warwick, puis celle de Saint-Albert en 2002, suivie de Sainte-Clotilde-de-Horton et Sainte-Séraphine deux ans plus tard. «On m’a confié le mandat, à ce moment, de créer une seule paroisse unifiée», raconte-t-il. La paroisse Sainte-Marguerite-Bourgeois verra ainsi officiellement le jour le 1er janvier 2009.
Quand on lui demande ce qu’il a le plus aimé dans son rôle de pasteur, la réponse de l’abbé Janelle ne se fait pas attendre : le contact avec les gens. «C’est de marcher ensemble, c’est de les accompagner dans toutes les dimensions de la vie. On n’est pas là pour leur trouver des solutions et des réponses, exprime-t-il. On les accompagne dans la joie comme dans la souffrance, par exemple l’accompagnement d’une famille qui perd un enfant à l’âge de 7 ans. On trouve des forces. On accompagne les gens dans l’échec et dans le succès. Pour moi, ça devenait enrichissant de ne pas me penser meilleur que l’autre ou d’être en avant. C’est vraiment de marcher au même rythme que l’autre.»
Cet accompagnement enrichit l’humain. «Ça nous fait grandir nous-mêmes quand on accompagne quelqu’un et qu’il arrive à s’en sortir. C’est valorisant, nourrissant. Cela nourrit en même temps notre prière et notre être», confie-t-il.
Ce travail qu’il a accompli tout au long de ses années va lui manquer, avoue-t-il. «Trente-deux belles années», commente-t-il, en regardant dans le rétroviseur. Des années où, cependant, tout n’a pas été facile, comme la vente d’églises et de presbytères, vécue comme un deuil, non seulement pour les fidèles, mais pour lui aussi. «Si on m’avait dit quand j’ai été ordonné que j’allais vendre églises et presbytères, je leur aurais dit que j’allais faire autre chose», avance-t-il.
L’abbé Janelle se retire, mais il ne quittera pas complètement quand même. S’il caresse bien un projet personnel, celui de relire la Bible afin de mieux la comprendre, le prêtre se rend tout même disponible pour du remplacement, pour aider ses confrères dans leur ministère, en cas de maladie ou d’un besoin de repos.
Et pour ne pas porter ombrage à son successeur, l’abbé Gilles Coderre, Pierre Janelle s’éloignera quelque peu de Kingsey Falls pour s’établir dans un chalet familial en campagne, à Saint-Lucien. Un havre de paix. «Dimanche après-midi, je me suis installé dehors. Tout ce qu’on entendait, c’était le chant des oiseaux. C’est vraiment paisible, agréable. On est bien», conclut-il.