Dany Grimard, l’arme secrète du Presbytère
Des centaines de visiteurs la voient sortir de la Fromagerie du Presbytère, à Sainte-Élizabeth-de-Warwick, les vendredis soirs, bien installés devant leur pique-nique. Ils ne savent pas qui elle est. Dany Grimard porte un regard tout autour, constate la satisfaction générale, avant de rentrer chez elle. Une fois de plus, elle a réussi son coup.
Dany Grimard conçoit plusieurs des fromages fins de la Fromagerie du Presbytère. Et ce n’est pas par hasard si cette native de Ham-Nord fait partie de l’ADN de la populaire entreprise agroalimentaire fondée par les frères Morin en 2005. Tout comme eux, elle connaît bien la production laitière et sa transformation.
Mme Grimard travaille à la ferme familiale, située à Sainte-Élizabeth-de-Warwick, de 1986 à 2009. Dès 1991, elle se passionne pour le cheddar. Alors qu’un artisan vient chez elle pour transformer le lait en fromage en grains, elle attrape la piqure. «Je me suis dit que j’aimerais ça faire ça. Je ne sais pas pourquoi ça m’a attirée comme ça», raconte-t-elle. Elle demande au fromager de lui transmettre ses connaissances. Bientôt, elle s’équipe afin de pouvoir produire du fromage pour les agriculteurs. La demande devient si importante qu’elle se retrouve bien souvent à devoir en fabriquer, environ 35 kilos chaque fois, à cinq endroits différents par semaine. Et elle s’active toujours à la ferme, en plus de veiller sur ses quatre enfants.
Chez les uns, l’événement constitue une fête, chez les autres, on remplit simplement les réserves. Dany Grimard exécute ses tâches et répond aux multiples interrogations des clients. Jusqu’en 2007, jamais elle ne songe à créer d’autres types de fromage. Mais Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, mijote de grands projets pour elle.
Au village
Dès 2006, M. Morin suggère à Dany Grimard de se joindre à son équipe. Elle lui déclare qu’elle pourrait tenter le coup. Mais pour lui, pas question de juste tester. «Il m’a dit que si j’acceptais, il m’enverrait étudier en France», confie-t-elle. Prête pour amorcer ce virage dans sa vie, elle saute dans l’aventure en 2007. D’abord, elle apprend à confectionner le Champayeur. La production du Bleu d’Élizabeth tombe sous sa garde en 2009. Bientôt, elle se rend avec Jean Morin dans le département du Jura pour acquérir les secrets du fromage comté. De cette expérience naît le Louis d’Or, un fromage de lait cru de vache, à pâte pressée cuite.
À ce moment, l’entreprise ne produit pas de cheddar frais. Jean Morin y songe, mais ce projet ne se concrétisera qu’en 2009, après le premier agrandissement des installations. «Je lui avais dit que ça deviendrait tellement gros que les gens se stationneraient jusqu’au pont, en bas. Il ne me croyait pas. Aujourd’hui, pour fournir, on transforme 3000 litres de lait, pour une seule soirée», note-t-elle. Au départ, on parlait d’un modeste 500 litres. Déjà, il y avait du monde au village. Cette même année, elle et Jean Morin confectionnent et affinent leur premier Louis d’Or.
Au cours de la dernière décennie, Dany Grimard participe à la production de tous les fromages à pâte ferme du Presbytère, dont la Religieuse et le Taliah. Les fromages qui passent entre ses mains s’avèrent couverts de prix et reconnaissances. Pour prétendre à l’excellence, elle a suivi maintes formations et amélioré constamment les fruits de son travail.
Alors que l’entreprise ne comptait que deux employés à l’époque, elle en répertorie 13 aujourd’hui. Malgré ces transformations rapides, Dany Grimard aime toujours son métier comme aux premiers jours. La remise des Caseus constitue un moment qu’elle apprécie particulièrement. «Quand nos fromages se retrouvent sur le podium, wow!», exprime l’artisane. Sa philosophie : «quand tu rentres le matin, c’est pour faire le meilleur fromage». Selon elle, certains fromages méritent encore, en dépit de leur succès, qu’on peaufine leur exécution et ça l’anime au quotidien.
Parlant de matin, le lundi, elle commence son ouvrage à 3 h, tandis qu’elle s’y met à 4 h le reste de la semaine. L’agricultrice en elle n’a aucun mal à s’y faire.
La bonne gestion de la production laitière de la ferme la préoccupe et la qualité de ce lait la réjouit. «Puisqu’il est exceptionnel et toujours frais, on peut le transformer sans crainte du résultat», affirme-t-elle. Enfin, elle confie que ses goûts n’ont cessé de se développer au fil des années. «En 2007, je n’aurais pas mangé de fromage bleu. Maintenant, je peux en manger comme on le ferait d’une pomme.»
Tous les vendredis, elle voit avec satisfaction les centaines de visiteurs réunis pour déguster son fromage frais. «Mais nous ne sommes pas irremplaçables dans la vie. Le jour que je n’y serai plus, quelqu’un d’autre reprendra le flambeau», relativise-t-elle.