Haïti : poursuivre les efforts déployés sans se décourager
Haïti, le pays dans son ensemble, ne va pas mieux qu’avant. Pourtant, malgré les difficultés, des irréductibles, comme le Victoriavillois Réginald Sorel, continuent de déployer leurs efforts sur le terrain pour aider les gens de la base comme ils peuvent.
Justement, Réginald Sorel, un habitué cumulant, à ce jour, une trentaine de séjours en sol haïtien, revient d’une autre mission d’une semaine effectuée à la fin du mois de janvier. Il devait initialement s’y rendre en novembre, mais le voyage a été reporté en raison des violences et des manifestations.
Président de l’Association québécoise pour l’avancement des Nations Unies (AQANU), Réginald Sorel est donc retourné en Haïti, du 23 au 30 janvier, avec un mandat de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et de l’Internationale de l’Éducation Luc Allaire de la CSQ l’accompagnait tout comme un troisième intervenant venu de Bruxelles.
«J’y allais pour continuer le travail sur deux dossiers auxquels collaborent l’AQANU et la CSQ : la formation des enseignants et le dossier d’une bibliothèque publique», explique-t-il. Le projet de formation s’adresse à des enseignants déjà en emploi, mais non qualifiés. «On vise à ce qu’ils obtiennent, à la fin du programme de trois ans, une licence en enseignement, l’équivalent, ici, d’un baccalauréat en éducation, précise le président de l’AQANU. En ce moment, 260 enseignants y sont inscrits, des gens très motivés qui n’hésitent pas à effectuer parfois quatre, cinq ou six heures de route, les samedis et dimanches, pour assister aux cours.»
Une première cohorte est parvenue à mi-chemin du programme. Une seconde a entamé son parcours en décembre. Quant au second projet, il concerne le déplacement d’une bibliothèque publique. «Après le séisme de 2010, on avait dû déménager la bibliothèque. Maintenant, une délocalisation est nécessaire, une fois de plus, puisqu’elle se situe dans une zone dangereuse. Les gens n’y vont plus, jugeant l’endroit trop dangereux», note Réginald Sorel.
Pour la déplacer, l’AQANU et la CSQ collaborent avec la fondation qui gère la bibliothèque, de même qu’avec la communauté des Petites Sœurs de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus. «On essaie de voir si les religieuses peuvent accueillir cette bibliothèque dans l’un des bâtiments qu’elles possèdent à Port-au-Prince. En contrepartie, les sœurs pourraient bénéficier des livres pour leur école», indique le Victoriavillois.
Toujours motivé… par le désir d’aider
À regarder la situation du pays, certains pourraient se laisser envahir par le découragement. Pas Réginald Sorel. «Si je te parle du pays, oui, c’est de plus en plus difficile. Le pays, dans son ensemble, est pire qu’avant. Ce n’est pas très motivant de ce côté-là parce que ça ne s’améliore pas. Ce qui est motivant, par contre, ce sont les gens avec qui on travaille. On a confiance en eux. Ce ne sont pas des citoyens corrompus, observe-t-il. Eux, ils travaillent pour la population. Là on peut aider à soulager les gens, à faire une certaine différence.»
Mais parfois, tout est à recommencer. «L’AQANU a contribué à la construction d’une classe avec une cuisine pour des enfants handicapés. Des bandits ont brûlé l’école. Une de mes tâches, cette fois, consistait à évaluer, avec la congrégation religieuse, l’argent nécessaire en vue d’une reconstruction», souligne-t-il.
L’engagement des différents partenaires avait aussi permis la construction d’une école pour les enfants de la rue. Un tremblement de terre, survenu en novembre, l’a détruite. «L’AQANU analyse ce qu’elle peut faire pour aider à la reconstruire», dit-il. Chaque fois qu’il pose les pieds en Haïti, Réginald Sorel travaille l’ensemble des dossiers, rend visite aux partenaires. Son séjour, bien rempli, n’est pas de tout repos.
Et puis il y a toujours la question de sécurité. «À Port-au-Prince, c’est carrément dangereux. Nous devons éviter certaines zones, d’autres où on ne se déplace qu’à certaines heures, précise M. Sorel. On essaie de limiter nos déplacements à pied et en soirée au minimum. Et on ne se déplace qu’en compagnie de personnes en qui nous avons confiance et qui connaissent bien les lieux.»
Lors de ses séjours en Haïti, le Victoriavillois loge dans un hôtel de Port-au-Prince dans un quartier relativement sécuritaire. «Sauf qu’à une certaine occasion, j’étais dans le hall d’entrée de l’hôtel et, de l’autre côté de la rue, un flic a abattu un type. Deux coups de feu ont retenti», se souvient-il.
Cette année, Réginald Sorel en a encore entendu, mais des coups de feu lointains, moins inquiétants. Il se désole de la situation du pays, de son instabilité politique, de la grande corruption. «Il y a un mouvement qui tente de contrer cela. Les gens descendent dans la rue pour manifester. S’ils le font, c’est parce que c’est de plus en plus difficile économiquement avec une inflation de 15% à 20%. Les gens ont de plus en plus de difficulté à vivre, leur argent vaut de moins en moins, fait-il valoir. Et cette pauvreté, cette misère amènent le banditisme. Des gangs contrôlent des marchés, des quartiers. En ce moment, il y a une guerre entre les policiers et les gangs. D’ailleurs, en janvier, six policiers ont été assassinés.»
Toute cette tension rend la population très nerveuse. Ex-syndicaliste, Réginald Sorel fait aussi remarquer que les syndicats mènent des campagnes pour dénoncer la corruption. «On travaille pour les encourager à devenir des agents de changement. Nous nous affairons à des programmes pour renforcer leur capacité d’agir.»
À la recherche d’une relève
L’AQANU a 43 ans d’existence. Des Sylvifrancs ont participé à sa fondation.
Réginald Sorel laisse entendre qu’il pourrait s’agir de son dernier mandat à la présidence qu’il occupe depuis cinq ans. Il souhaiterait passer le flambeau à un successeur en novembre lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisme, lui qui assume différentes fonctions depuis déjà 12 ans. «Mais je m’impliquais même avant», rappelle-t-il.
Toutefois, le recrutement ne constitue pas une mince tâche. «L’AQANU fait face à un problème de relève, de pérennité. Les membres vieillissent. On trouve des donateurs, des sympathisants prêts à s’associer à des projets. Mais il est plutôt difficile de recruter des personnes pour jouer des rôles de leadership. Nous sommes une organisation de bénévoles. Et les fonctions de président, de secrétaire et de trésorier requièrent notamment beaucoup de temps. Notre défi consiste à dénicher de jeunes retraités, des gens prêts à s’engager et à y mettre du temps», explique le président.
S’il réussit à délaisser la présidence, Réginald Sorel continuera son engagement. «Je vais continuer à m’impliquer dans des projets avec nos partenaires. Je ne veux pas arrêter ma collaboration avec Haïti», précise-t-il tout en souhaitant également maintenir sa coopération avec les organisations syndicales.
«Tant que la santé va me le permettre, car chaque année, on vieillit», souligne l’homme de 72 ans qui, en plus, a entamé une collaboration à un projet au Burkina Faso. «C’est très motivant, j’entends continuer, mais dans un rôle plus restreint», confie-t-il, tout en faisant remarquer les difficultés de ce pays aux prises avec le terrorisme, contrairement au banditisme observé en Haïti.