Alain Rayes, conservateur? Une déferlante de commentaires
VICTORIAVILLE. En annonçant, jeudi dernier, qu’il réfléchissait à la possibilité de se porter candidat conservateur au prochain scrutin fédéral, le maire de Victoriaville Alain Rayes a suscité une déferlante de commentaires sur le Web. De ses inconditionnels admirateurs qui l’endossent quel que soit le chemin qu’il empruntera. Et de détracteurs, tant à son endroit qu’à l’égard du Parti conservateur. «Mais auraient-ils été aussi acerbes si j’avais dit que je songeais à me présenter pour le NPD, le Parti libéral ou le Parti vert?» se demande Alain Rayes.
Cette entrevue, La Nouvelle Union l’a sollicitée pour le faire réagir au flot de commentaires que ses déclarations ont provoqués. Il l’a acceptée pour expliquer plus à fond ses valeurs et ses motivations.
Il les a tous lus les commentaires, mais n’a répondu qu’à quelques-uns. Dans un cas, pour rétablir les faits concernant sa rémunération à titre de maire (91 604,70 $ + une allocation libre d’impôt de 15 976 $ pour ses dépenses) et dans l’autre pour rappeler ce qui l’aiguillonne en politique depuis qu’en 2003, il a porté la bannière de l’Action démocratique du Québec (ADQ). Le goût de servir et de faire avancer la société constituent toujours des aiguillons.
Tant à cette époque qu’en accédant à la mairie de Victoriaville en 2009, dit-il, il se lançait dans l’arène politique mû par le désir de contribuer à la gestion des finances publiques – réduire l’endettement, notamment – et contrer le cynisme.
«Je respecte tous ceux qui font de la politique, parce qu’ils veulent influencer le cours des choses. Tout le monde y va pour faire une différence, même le candidat du NPD qui a mis sa face sur un poteau lors de la dernière élection.»
S’il avait écouté…
Il a écrit que s’il avait écouté les uns et les autres, il ne serait pas devenu, à 28 ans, le plus jeune directeur d’une école secondaire au Québec passant du côté des «méchants boss». Il ne se serait pas présenté non plus pour l’ADQ et ne serait peut-être pas maire de Victoriaville, alors que son prédécesseur, Roger Richard, avait fait, selon plusieurs, une si bonne «job» et était si apprécié. «Personne n’est irremplaçable», note-t-il, s’incluant dans la maxime.
Les commentaires, il les reçoit. Quelle que soit leur couleur, ils «teintent» sa façon d’aborder la politique, mais ils ne pèsent pas dans la balance de la réflexion qu’il a entamée depuis les fêtes sur son avenir, dit-il. Il estime que dans les 36 premières heures suivant la visite de Stephen Harper à Victoriaville jeudi, il y a eu une onde de «choc». «Certains ont compris que je ne suis pas un maire à vie et il était clair, lorsque j’ai sollicité un deuxième mandat, que c’était mon dernier.»
Il dit aussi que s’il décide de se lancer en politique fédérale, il aura à faire le deuil de la mairie de Victoriaville, l’abandonnant en cours de mandat, même s’il a toujours souhaité le finir (novembre 2017).
Ce qui fait mal
Il répète, comme il le fait depuis plusieurs jours, que ce sont des considérations personnelles, professionnelles et familiales qui détermineront si, oui ou non, il se lance en politique fédérale sous la bannière conservatrice. Et il confirme que c’est l’aspect familial – sa conjointe Catherine – qui pèsera le plus lourd dans la balance.
«Ce qui me fait le plus mal dans les commentaires, c’est qu’on remette en question toutes mes valeurs personnelles et familiales et mon engagement dans le milieu depuis vingt-huit ans, tant dans le monde sportif que communautaire, culturel et politique. Comme si j’allais devenir une «canne périmée», un pantin carriériste.»
Ce n’est pas une présomption, mais une conviction, répond-il, de penser qu’il pourrait «influencer» les politiques conservatrices, notamment en matière d’environnement. «Il faut que le Québec puisse avoir un poids et pour cela, il faut faire élire plus que quelques députés conservateurs», dit-il encore.
La conjoncture politique actuelle lui serait opportune, alors que le député André Bellavance quitte et qu’il y a de fortes chances, selon lui, qu’un gouvernement conservateur soit réélu.
Non, poursuit-il, même s’il devenait député conservateur, «je ne deviendrais pas anti-avortement et homophobe». «Si Stephen Harper avait voulu, il aurait pu revenir sur la question de l’avortement comme le souhaitaient certains députés. Il aurait pu, puisqu’il est majoritaire.»
Alain Rayes justifie ses accointances conservatrices en répétant que c’est un parti qui fait ce qu’il a dit, «contrairement à ce que fait le gouvernement libéral au Québec». Il se définit de droite pour ce qui concerne les mesures économiques, précisant que si l’économie va mal, difficile de maintenir un filet social. Il partage les positions du Parti conservateur sur l’économie, la sécurité, la justice. «C’est le parti qui reconnaît le mieux l’apport des municipalités et qui fait exemple en matière de décentralisation.»
D’ailleurs, fédéraliste, M. Rayes ne s’imagine pas sur la scène provinciale, d’autant que ses affinités iraient plutôt du côté de la Coalition avenir Québec, déjà représentée dans Arthabaska par la députée Sylvie Roy. Reste qu’il exprime des doutes sur l’avenir de cette formation politique dans trois ans. «Où en sera la CAQ dans trois ans? Y’aura-t-il une embellie libérale?»
Et, puis, au-delà de tout, M. Rayes dit que l’«irrite» le discours constitutionnel. «Et on va retomber là-dedans au prochain scrutin provincial. Deux fois, les Québécois ont dit «non» à la souveraineté.»
Il ne cache pas qu’il a songé, avec d’autres, à la création d’une nouvelle formation politique. Il évoque l’expérience de Mario Dumont, pour qui il voue encore de l’admiration. «Et il est parti.»
Le «chemin le plus facile», croit-il, aurait été de vouloir porter une bannière libérale ou néo-démocrate. Mais ni l’une, ni l’autre de ces formations politiques ne trouvent grâce aux yeux du maire de Victoriaville. Le Parti libéral et son chef Justin Trudeau ne se positionnent pas sur des questions importantes aux yeux de M. Rayes (sécurité, justice, par exemple). Quant au NPD, il est trop à gauche et trop associé aux syndicats, selon lui.
Alain Rayes sait que s’il devait quitter la politique municipale, ce palier le plus près des citoyens, cette fonction où il se sent choyé et privilégié, il aurait toutes sortes de deuils à faire. «Eh oui, je ne serais plus en haut de la pyramide, comme l’est un maire et j’aurais une ligne de parti à suivre. Mais au conseil, je ne décide pas de tout et avant de prendre une résolution, il y a des discussions et un vote. Et les membres du conseil se rallient», comme s’il y avait une ligne de parti.